ABIDJAN (AFP) - Le processus de paix en Côte d’Ivoire traverse à nouveau une période de turbulences liée à l’identification des Ivoiriens dans la perspective d’élections générales théoriquement toujours prévues avant fin octobre.
Des signes d’apaisement étaient pourtant apparus après les violences, fin juillet, entre partisans du président Laurent Gbagbo et de l’opposition, provoquées par le lancement du processus d’identification, mais un discours du chef de l’Etat le 6 août a bouleversé la donne.
En affirmant que les « audiences foraines », nom donné en Côte d’Ivoire au processus d’identification, ne pouvaient délivrer de certificats de nationalité, le président à provoqué la colère de l’opposition et des Forces nouvelles (FN, rébellion qui contrôle le nord du pays depuis septembre 2002).
Les questions liées à la nationalité, en partie à l’origine de la crise que traverse le pays, sont extrêmement sensibles en Côte d’Ivoire et M. Gbagbo et ses partisans n’ont qu’une hantise, que les « audiences foraines » n’enregistrent des milliers d’étrangers susceptibles de voter pour l’opposition.
Deux jours après le discours présidentiel, le chef de la rébellion Guillaume Soro, qui, depuis la nomination du Premier ministre Charles Konan Banny en décembre 2005 semblait jouer le jeu de la réconciliation et était resté silencieux, est sorti de sa réserve.
Lors d’une conférence de presse dans son fief de Bouaké (centre) il a dénoncé un processus de paix devenu « factice et hypocrite » et annoncé la suspension des FN du dialogue militaire sur le désarmement, qui selon la « feuille de route » de Konan Banny, doit se faire en parallèle à l’identification.
Il a en outre assuré qu’en vertu d’un accord avec le Premier ministre, il était parfaitement clair que les « audiences foraines » avaient pour vocation à délivrer non seulement des actes de naissance, mais également des certificats de nationalité.
Or un "guide" sur l’identification publié par le gouvernement pour tenter de calmer les esprits après les violences de la fin juillet -au moins trois morts et une cinquante de blessés- stipule que « les personnes désireuses d’obtenir la nationalité doivent s’adresser au tribunal", pas aux "audiences foraines ».
Un décret présidentiel du 5 août rendu public vendredi et annonçant le remplacement des magistrats désignés pour superviser les "audiences", a jeté de l’huile sur le feu, et le ministre de la Justice, Mamadou Koné, issu de la rébellion, a annoncé jeudi "le rappel" des magistrats actuellement en place.
Ce rappel avant l’entrée en fonction des nouveaux juges, suspend de facto les "audiences", qui en zone loyaliste (sud) n’ont que très peu travaillé.
La presse proche de l’opposition a accusé le chef de l’Etat de placer aux postes clés des juges acquis à sa cause.
« Audiences foraines : voici les nouveaux juges de Gbagbo, comment le chef de l’Etat s’est emparé de la justice », titre ainsi le quotidien Nord-Sud.
Face à ces développements, le Premier ministre semble garder sa sérénité et a affirmé jeudi que le processus d’identification « ira à son terme ».
La situation préoccupe en revanche l’Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire (Onuci) qui a exhorté les acteurs de la crise « à rester dans le processus de paix » et a entrepris « des démarches » pour tenter de rapprocher les positions.
Le retard pris dans l’identification et le désarmement augure mal d’un respect du calendrier pour les élections présidentielles et législatives et se posera donc à la mi-septembre pour l’Onu la très sensible -mais désormais incontournable- question du mandat de Laurent Gbagbo en cas de report des scrutins.
Ce dernier a d’ores et déjà annoncé qu’il resterait en place jusqu’à la tenue des élections, ce que refusent catégoriquement l’opposition et la rébellion.