PARIS (AFP) - Deux chimpanzés assis sur les branches d’un arbre perdu dans les profondeurs de la forêt congolaise s’auscultent mutuellement le pelage... Rien de plus normal dans la vie de ces grands singes, sauf que, dans ce cas précis, ce geste de sympathie unit deux individus qui, en principe, ne devaient jamais se rencontrer.
Le premier erre depuis toujours dans la réserve de Conkouati, à 180 kilomètres au nord de Pointe-Noire, tandis que le second, une femelle autrefois récupérée comme bébé dans les bras de sa mère tuée par un braconnier, semblait condamné à la captivité.
Malgré le scepticisme initial des scientifiques sur la possibilité de remettre des chimpanzés dans la nature, une quarantaine de ces singes issus du braconnage et récupérés par l’association HELP (Habitat écologique et liberté des primates) ont retrouvé la liberté, après avoir passé quelques années sur des îles de la lagune de Conkouati pour y réapprendre l’indépendance, a indiqué à l’AFP le président de HELP-International, Benoît Goossens.
"Nous avons enregistré entre 70 et 80% de réussite", se félicite ce généticien de l’Université de Cardiff (Royaume-Uni) et président de cette ONG, de passage à Paris, en faisant un bilan provisoire de l’action depuis le premier relâcher, en décembre 1996.
On doit cette initiative à une Française établie au Congo, Aliette Jamart, qui avait décidé en 1989 de venir en aide aux bébés chimpanzés captifs. Les spécialistes auxquels elle avait demandé leur concours se montraient peu enthousiastes, lorsqu’elle insistait sur sa volonté de remettre les singes dans la nature, en raison du caractère de ces primates.
Très sociables, les chimpanzés vivent dans des communautés de plusieurs dizaines d’individus qui, tout en se scindant et se recomposant en permanence, restent hostiles aux intrus. Seules certaines femelles adultes parviennent à se faire accepter dans une autre communauté alors que les mâles doivent passer leur vie aux côtés de ceux qui les ont vu naître.
L’expérience d’HELP l’a confirmé. Premier mâle à retrouver la liberté, "Mékoutou" s’est fait attaquer peu après son relâcher. D’un autre mâle, "Dolisie", il n’est resté qu’un crâne au bord d’un marécage : il est fort probable qu’il a été victime lui aussi de la véritable xénophobie de son espèce.
Trois autres chimpanzés sont partis "sans laisser d’adresse". Deux femelles ont peut-être rejoint un groupe sauvage, mais "David", que les responsables du projet imaginaient à la tête du groupe, a disparu il y a près de deux ans.
"Néanmoins, les contacts entre nos singes et leurs congénères sauvages sont en augmentation. Deux femelles ont attiré des chimpanzés sauvages au point qu’ils restent en permanence en leur compagnie", raconte Benoît Goossens.
Une femelle relâchée en 1997, "Choupette", a donné naissance récemment à un petit. Que le père soit un des membres du groupe des chimpanzés relâchés ou un mâle sauvage (l’analyse génétique des poils du bébé est en cours), sa venue au monde "est un élément positif qui nous permet de croire en l’avenir de ce projet", souligne le président de HELP-International.
Et, surtout, ce résultat devrait inspirer les responsables d’autres refuges qui, à l’heure actuelle, possèdent à travers l’Afrique plusieurs centaines de jeunes chimpanzés rescapés du braconnage, mais n’osent envisager leur relâcher. Compte tenu des menaces qui, en raison de la destruction de son environnement et de la chasse de plus en plus intenses, pèsent sur cette espèce, cette solution risque pourtant de devoir s’imposer.