Nous avons appris le décès de l’écrivain Daniel Biyaoula. Daniel, je l’ai connu au milieu des années 1990 par l’intermédiaire d’Alain Kounzilat, au seuil des Editions Présence Africaine où il était en compagnie d’un Congolais, futur Renaudot.

Nous fîmes route commune jusqu’à la Place St-Michel. Discutant littérature il confirma qu’il avait pour modèle Honoré de Balzac. On donna raison à l’assertion selon laquelle les meilleurs écrivains ne viennent pas des sections littéraires de nos Universités. Balzac fut juriste. Daniel Biyaoula fut biologiste. Il s’est attelé à disséquer la sociologie des Africains insérés dans l’entre-deux culturel. C’est une grande figure de la littérature qui vient de rendre l’âme. Toutes les condoléances de Congopage à son frère niçois, le Dr. Mabandza et à toute sa famille.

Voici l’éloge funèbre d’Alain Mabanckou, le prix Renaudot :

« Le romancier congolais, de Brazzaville, Daniel Biyaoula nous a quittés ce 25 mai 2014. Résidant en France depuis plusieurs décennies, il s’est illustré dès la fin des années 1990. Trois romans majeurs marquent son oeuvre : L’Impasse, Agonies et La Source de joies.

Je l’ai connu en 1997 alors qu’il venait de faire paraître son premier roman, L’Impasse (Présence africaine, 1997), couronné immédiatement par le grand prix littéraire d’Afrique Noire. Par son ton et son écriture iconoclastes, cette fiction de retour au bercail bousculait le paysage de Lettres africaines et montrait à quel point le roman africain n’était plus dominé par la scansion militante et collective, mais devait être désormais perçu sous le prisme de l’individu face au poids de la communauté. Le personnage principal de L’Impasse, Kala, "noir comme le cul d’une marmite", était l’exemple même de l’Africain en déphasage avec les moeurs et les coutumes de sa terre d’origine, le Congo, qu’il décide de fouler après plusieurs années d’absence. Comment pouvait-il se réadapter ? Son salut était aussi cornélien que la situation d’un Samba Diallo dans L’Aventure ambiguë de Cheikh Hamidou Kane. L’Impasse devenait ainsi un roman de toute une génération et marquait l’acte de naissance d’un écrivain atypique, discret, mais exigeant et grand admirateur de Louis-Ferdinand Céline.

Le deuxième roman, Agonies (Présence africaine, 2000) aura pour toile de fond la banlieue parisienne avec deux histoires d’amour parallèles, un regard sans concession de l’écrivain africain sur les moeurs des immigrés dans les cités "chaudes".

La Source de joies (Présence africaine, 2003), dernier roman de l’auteur, est un éloge de l’amitié, mais aussi une véritable reddition de comptes d’une jeunesse africaine à la dérive, avec en toile de fond une enfance qu’il faudrait désormais lire comme le testament d’un romancier prodigieux.

Daniel Biyaoula portait un nom de famille connu des Congolais et qui signifie "couvre-chef" en mémoire de son aîné, un syndicaliste qui se déguisa en femme pour échapper à la traque des autorités politiques congolaises dans les années 1950-1962.

L’oeuvre de Daniel Biyaoula est traversée par un pessimisme lumineux qui met en exergue la confrontation avec les autres cultures, mais aussi la difficulté à se réinsérer dans son milieu d’origine lorsqu’on est resté trop longtemps à l’extérieur de son pays. »