C’est l’un de ces dossiers dont Sassou se serait bien passé lui qui pédale déjà dans la semoule des Biens Mal Acquis. Voilà que l’opinion internationale va braquer ses projecteurs sur un pays, le Congo de Sassou, où se fomente en 2016 un forfait anticonstitutionnel. Cela n’est pas étonnant que l’éminent juriste que le ciel nous a donné, Aimé Emmanuel Yoka, n’ait jamais songé à faire ce qu’une ONG s’apprête à faire aujourd’hui.

En effet, le CRAN (Conseil Représentatif des Associations Noires ) de France a décidé de porter plainte contre la compagnie des Batignolles pour avoir pratiqué des travaux forcés au Congo dans les années 1920 dans la construction du CFCO. Bilan 17.000 morts parmi les indigènes venus de toutes parts de la colonie et de l’empire français. 510 km de chemin de fer reliant Brazzaville à Pointe-Noire.

Pour le CRAN il s’agit de crime contre l’humanité. Le CRAN exige à l’Etat français des dédommagements.

C’est France-Culture qui en fait état dans son émission matinale« La fabrique de l’histoire » du 27 février 2014.

Question : les victimes ayant pour la plupart disparu, à qui reviendraient les dommages-intérêts réclamés à l’Etat français ? Personne n’ose imaginer que les poches déjà pleines de Sassou seraient le point de chute de cette enveloppe.

Qu’on se rassure. Pour le CRAN, les fonds gagnés serviraient à financer des travaux de mémoire.

Des travailleurs venus d’Indochine

On voit mal l’Etat de Sassou empêtré dans les affaires de Biens Mal Acquis (BMA) empocher un chèque relatif à des douleurs vécues par des forçats venus du Tchad, de La Centrafrique, du Gabon et de…L’Indochine.

Jadis épine dorsale de l’économie des Etats d’Afrique Centrale, l’historique Chemin de Fer Congo-Océan (CFCO) est tombé en ruines, les déraillements étant devenus monnaie courante sur la ligne. Le CRAN est forcément au courant du triste sort que Sassou a réservé à la « dame de fer ». Personne ne sait dans quel carton le ministre de Sassou, Isidore Mvouba a jeté le dossier de réhabilitation de cette ligne unique de chemin de fer après avoir négocié tour à tour avec les Sud-Africains et les Coréens du Sud – un vrai écran de fumée. Car en vérité le« Chemin d’avenir » se fiche éperdument du chemin de fer congolais.

Il faut craindre néanmoins que Sassou, réputé insatiable, ne s’engouffre dans la brèche ouverte par le CRAN, et pour redorer son blason terni par les BMA (par une savante stratégie de victimisation) et pour se faire du blé au détriment des vraies victimes (les descendants des Sara, Banda, Vili, Bembé, Lari, Mbochi, Téké...)

Le nègre remplaçait l’explosif

Les travaux de la construction du CFCO furent, en effet, atroces. Au point d’indigner des écrivains comme Albert Londres et André Gide. « J’ai vu construire des chemins de fer, poursuit Albert Londres. On rencontrait du matériel sur les chantiers. Ici, que du nègre ! Le nègre remplaçait la machine, le camion, la grue ; pourquoi pas l’explosif aussi ? […] Dans le Mayombe, nous perçons les tunnels avec un marteau et une barre à mine ! Epuisés, maltraités par les capitas [les contremaîtres locaux, NDLR], loin de toute surveillance européenne […], blessés, amaigris, désolés, les nègres mouraient en masse. » dénonce le journaliste Albert Londres.

« Les villageois préféraient la compagnie des animaux sauvages en forêt à celle des chantiers » écrit l’historienne Denise Bassouéka dan sa Thèse de doctorat pour souligner la nature dantesque des travaux.

Toute une anthropologie économique et historique est née autour du travail forcé déclenché par la construction du chemin de fer. Catherine Coquery-Vidrovitch , Pierre-Philippe Rey, Claude Meillassoux, Hugue Bertrand, Hilaire Babassana, Denise Bassouéka, ont posé les travaux du CFCO comme point nodal de la diffusion du salariat dans l’AEF. Le CFCO est une articulation des compagnies concessionnaires comme la CFHBC, CCSO, Paris-Sangha, CFAO.

Aujourd’hui le CFCO est en train de rende l’âme à cause de la négligence de l’Etat congolais qui peine à réaliser l’itinéraire bis de la nationale 1 dont l’achèvement est, à ce jour, inversement proportionnelle à l’énorme réseaux d’éléphants blancs que Sassou réalise dans la partie septentrionale du Congo, notamment dans son village natal d’Oyo.

C’est à se demander si le CRAN a raison de se battre pour un Etat aussi indigne que celui dirigé par un kleptomane surnommé « communiste primitif  ». Le jeu ne vaut pas la chandelle.

Simon Mavoula