C’est l’histoire d’un artiste congolais, Willy Lokéto, basé à Nantes depuis 2001 et qui, fou de danse, monta un groupe de musique dont les salles de spectacle de la capitale vendéenne servaient de cadre d’expression. Souvent il lui arrivait de faire les 1ères parties des groupes de renom comme : (Zaïko de Nyoka Longo, Werrason ). C’est, du reste, lors de l’un de ces passages en vedette américaine que nous fîmes la connaissance de Willy Lokéto dans la salle du Centre socio-culturel de Delvallière où Michel Bokal parrainait l’anniversaire du groupe de Nyoka Longo, venu souffler ses trente-six bougies à Nantes. C’était en décembre 2005.

A cette époque, Willy Lokéto cherchait encore sa voie, tanguant entre concerts en salle et spectacles de danses dans les festivals locaux. Dans le groupe de Willy, à titre de rappel, Fély, un ex- de Zao, campait à la lead guitare, Régis Malonga à la batterie. Nantes, ville portuaire, voyait voguer dans les tumultes de la diversité culturelle, ce jeune artiste ayant prêté jadis ses services au groupe…Lokéto d’Aurlus Mabélé.

Même s’il naviguait encore à vue, Willy Lokéto fut largement secondé par sa compagne nantaise Camille (également danseuse). Le jeune danseur dirige alors un ballet interculturel qui sert également aujourd’hui d’école de danse. Mais disons les choses comme elles sont : c’était la routine à cette époque. Malgré le dynamisme de l’artiste, le bateau avait du mal à prendre le large. Les musiciens, à cette période, n’étaient pas toujours disponibles lorsqu’il était question, par exemple, de jouer. Certains, ayant relégué leur passion artistique au second plan (pour des raisons existentielles) ne viennent plus aux répétitions. « Je ne peux pas aujourd’hui ; je travaille » s’entendait-il dire quand Lokéto les sollicitait.

Le coup de bol

Sur les conseils d’Awilo Longomba, notre chorégraphe, de guerre lasse, chercha à explorer d’autres horizons. Un jour, juste pour s’amuser, il place sur Youtube, une vidéo présentant des figures de danses congolaises de son cru. Le résultat ne se fit pas attendre. La bouteille jetée à la mer avait atteint le rivage. Un vrai coup de bol : mais surtout le résultat d’un travail acharné.

« Voulez-vous venir passer un test aux Etats-Unis » lit-il dans le courrier en anglais que lui posta une compagnie de danse américaine intéressée par sa vidéo.

Hasard ou nécessité, la compagnie d’outre-Atlantique est dirigée par une certaine Mwisi Kongo. Comme son nom ne l’indique pas, Mwisi Kongo est danseuse américaine qui, manifestement, se nourrit à la source africaine, notamment kongo.

« C’est une blague ?  » demanda Willy Lokéto (de son vrai nom Emile Koub) à sa femme qui lui traduit le courrier car notre danseur, né à Bacongo, ne parle pas un traître mot de la langue de Barack Obama.
Trois semaines plus tard, Willy reçoit son billet électronique ; destination : Oakland.

Là-bas, vit donc une grande productrice américaine qui a jadis dansé avec Casque Lourd, redoutable artiste congolais aujourd’hui décédé. Sans jeu de mot, Casque Lourd, c’était du lourd. Sa disparition par accident de circulation a suscité une profonde émotion dans le milieu des artistes congolais, notamment Karibi Kikouamboussou du Ballet Diaboua de Toulon.

Mwisi Kongo est à la tête d’une compagnie répondant au nom très connoté de Fwa dia Kongo. Les anthropologues en quête d’études sur les racines kongo des Afro-américains ont du pain sur la planche. Je pense également aux militants afrocentristes (sous la houlette du Pr. Ama Mazama) qui naviguent dur pour atteindre ce port théorique où se vérifient déjà en partie des hypothèses du farouche conservatisme linguistique des Noirs d’Amérique malgré le rouleau-compresseur anglo-saxon. Je pense également aux hypothèses quasiment vérifiées des Kongo de Guadeloupe qui pratiquent des rites magiques issus de la mystique culturelle de la région de Massembo-Loubaki au Congo-Brazzaville. Ama Mazama, Jean-Justin Gandoulou, Massengo Ma Mbongolo n’auront pas tort de sabrer le champagne : la théorie des racines congolaises des afro-américains est fondée.

Les Kongo d’Amérique

Regardez les noms des musiciens du rythme congolais ci-après : Arnold guitariste, Olivier drummer, Dimitri bassiste, Hervan guitariste rythmique, percussion kiazi Malonga (exception confirmant la règle). Ils sont tous américains authentiques, mais le groov congolais coule dans leurs veines. C’est eux qui accompagnent Willy Lokéto dans sa conquête de L’Amérique.
La Soul a conquis l’Afrique, la Soukous va conquérir l’Amérique.

Donc voilà Willy Koubemba Lokéto, vedette américaine

Willy, né dans l’avant-pays du Pool, à Bacongo/Moukoundji-Ngouaka, boit du petit lait quand il se retrouve dans un univers culturel américain où l’identité kongo est d’autant plus palpable qu’elle fut auparavant revitalisée par des agents socioculturels comme Samba Ngo des Mbamina, feu Casque Lourd, Emmanuel Boundzéki-Dongala, Alain Mabanckou, Théophile Obenga…

« Quand j’arrive, seul, aux Etats-Unis, on me met à la tête d’élèves américains en danse africaine. En face de moi, le jury qui me passe l’audition, attend que je montre mes talents. D’abord intimidé, je détends ensuite l’atmosphère grâce à mon anglais que je baragouine. Ensuite je dis au DJ de lancer mon son. C’est un immense succès. Les Américains sont subjugués. Mon pari est gagné. » se souvient Willy Lokéto.

D’ordinaire envisagée pour être menée en une séance, l’audition de Willy est reconduite le dimanche suivant. C’était bon signe. Le danseur rentra ensuite à Nantes où il monte une petite compagnie composée de trois danseurs, d’un percu, d’un batteur, d’un guitariste et d’un bassiste. Destination : les Etats-Unis.

La troupe fait un tabac. Désormais Willy bosse avec Fwa Dia Kongo. Des tournées sont prévues sur le continent américain. Il est loin l’épisode nantais où Willy faisait les levés de rideaux des groupes de passage en province.

Séjour au Congo

Il y a séjourné après sa tournée américaine. A Brazzaville Willy croise Clotaire Kimbolo et Zao qui l’encouragent. « Petit, vas-y. Tu es arrivé à des endroits où nous n’avons pas pu mettre pied  » disent, philosophes, ses aînés.

Willy, entre une navette Brazza-Nantes, traverse le fleuve Congo. A Kinshasa il fait des radios, donne quelque spectacle de danse.« J’y ai retrouvé Nyoka Longo qui m’a invité dans ses émissions  » signale Willy Lokéto qui confirme la générosité du patron de Zaïko Langa-Langa.

Dans la capitale de la RDC Emile Koub a dansé à L’Hôtel Intercontinental et à La Foire de Lemba.

Rebelote Brazza

Le 27 juin prochain, il sera à Brazza pour fêter le centenaire de son grand-père maternel, Daniel Koubemba, prophète matsouaniste.

Les publics du Cercle Culturel Sony Labou Tans’si et du Mbongui de Ouénzé l’ont largement ovationné.

Le statut de la soukous

« La soukous est une valeur sûre, mieux que la rumba » analyse le chorégraphe qui se vit comme l’ambassadeur de la culture congolaise. Farouchement nationaliste Willy Lokéto attend des autorités congolaises qu’elles aident tous les artistes, sans exception. Willy rend hommage au gouvernement congolais pour lui avoir facilité les choses à Brazzaville. Aucune réticence pour obtenir une autorisation de production, escorte policière mise à sa disposition sont autant d’éléments concrets qui l’autorisent à rendre hommage à ceux qui régissent le Congo actuellement. « Je suis fier de notre gouvernement. » avoue-t-il.

Quelques dates

Les dates : du 14 au 24 février 2014 : tournée à Oakland, Santa Cruz, Hawaï, etc.

Le 10 mars 2014 en Martinique à Ste-Anne au Festival Négro Musique. Durée, 2 semaines.

En guise de conclusion Willy souhaite une bonne année 2014 à tous les Congolais. En tout cas, pour lui, l’année dernière fut très bonne.