A Marseille ce 28 mars dernier, Les Bantou Bakolo mboka, ces séniors de la musique congolaise devenus seigneurs de la rumba, ont mis la salle en ébullition grâce à leur longue expérience de la scène. Invité dans le cadre commercial du Babel Med Music, le groupe a présenté un Show case de moins d’une heure. Un show case consiste à vendre un produit musical à des professionnels intéressés. La concurrence est rude puisqu’elle met en présence plusieurs "oeuvres de l’esprit" issues de planètes musicales aussi variées que peut en produire la galaxie artistique. C’est ce qui s’est passé à Marseille ces 26, 27, 28 mars 2009. Le Show Case des Bantous a repris des classiques du genre : Bantou de la Capitale, Masuwa, Even, Rosalie Diop, El Salsero de Brazzaville, Mama Alphonsine...

En attendant l’impact commercial de la prestation, Les Bantou pourraient se prévaloir d’avoir été primé par le Festival et par la région PACA. Nul n’étant prophète chez soi, nous savons que ce groupe mythique a connu une longue traversée du désert après l’âge dor des années 1970. Paradoxalement, depuis deux ans, maintenant que beaucoup d’eau a coulé sous le pont, la reconnaissance internationale semble être au rendez-vous.

Les Bantous dans la capitale phocéenne. De loin, on les distinguait comme des diamants scintillant dans leur écrin...

Par exemple, bien qu’on les dise "fatigués" (parce qu’ils ont vieillil) et qu’ils ne jouent plus comme avant, Les Bantous de la Capitale ont conquis le public de la capitale phocéenne venu nombreux les applaudir au Forum des musiques du monde alors que certains spectateurs n’avaient jamais entendu parler d’eux . C’était une soirée réussie au Babel Med Music 2009 forum ayant ouvert ses portes dans la ville de Marcel Pagnol. Cet espace culturel qui reçoit chaque année des artistes de la world music accueille aussi un public très varié et cosmopolite.

Toutefois, un bémol à notre enthousiasme : l’absence d’Africains dans la salle. Quelques têtes connue ont néanmoins sauvé la mise : Cyriaque Bassoka, producteur, Mbuet (Fomeca), Clément Ossinondé, musicologue, Boni Otsoua, ancien trompettiste des Bantous. Où étaient passés tous ces "congolais marseillais" qu’on a vus, jadis, nombreux, faire le pied de grue au départ de La Route de l’Equateur ? Même si les Africains, notamment les Congolais, pouvaient se compter sur le bout des doigts, le public du Dock des Sud a été au rendez-vous. En tout cas, pas besoin d’être Congolais ou d’une certaine époque pour reconnaître la finesse du son et du texte chez Les Bantous de la capitale. Les Français, Espagnols, Anglais, Allemands et autres... présents dans la salle l’ont compris. Forcément, le message passe lorsque la musique est fluide et authentique. Si pour certains la nostalgie se faisait sentir, comme chez un fan congolais venu de Lyon (« j’ai eu, dit-il, les larmes aux yeux du début à la fin » ), pour d’autres c’était « una bella scoperta », (entendez, une belle découverte). Ainsi s’exclama Stefano, italien, à la fin de la prestation de nos "ambassadeurs". Comment ne pas s’émouvoir devant un Jean-Serge Essou qui, à 75 ans, s’éclate sur scène comme un jeune-homme de 20 ans ? Et que dire de l’infatigable Mpassy Mermans, le guitariste du groupe toujours plein d’énergie et d’inspiration ? Pour ne citer que ces deux-là, nos anciens des Bantous n’ont pas fini de nous faire vibrer. 50 ans après, ils continuent d’insuffler un vent dynamique à la musique congolaise. A Marseille, ils ont repris quatre titres de leur dernier album, « Le Retour » arrangé par le Congolais Don Fadel et des Cubains. Parmi les quatre titres, l’incontournable « Comité ya Bantou », un grand succès qui fût la révélation de l’orchestre.

Essous Jean-Serge Spiritus exhibant fièrement le trophée reçu par le groupe. Essou alias "Trois S" est le co-fondateur des Bantous, en 1959, un an avant l’accession du Congo à l’Indépendance. Les fondateurs venaient de se séparer avec Franco de Mi Amor à Léopoldville.

Le demi siècle

Le groupe a l’âge de la République. Aout 1959-Aout 2009 : il va bientôt franchir le cap du demi-siècle. Les Bantous, monument de la musique congolaise, vont fêter quelque chose qui arrive rarement à des groupes de musique, en dehors (bien sûr) d’Antoine Moundanda encore en activité. Pour la petite histoire, tout commença chez Faignond à Poto-Poto où "des amis d’école, se rendant compte qu’ils étaient aussi musiciens, se retrouvèrent pour la première fois" rapporte Nkouka Célestin Célio, absent à la prestation de Marseille. Autres absents de marque : Nganga Edo et Nino Malapet.

L’orchestre « Les Bantous de la capitale » totalisera cette année 50 ans de scène ; un anniversaire qui a donc commencé par une tournée mythique en France. Le groupe a renoué (depuis l’an dernier) avec les représentations internationales. Il y a eu tout de même une éclipse de quarante ans avant que le groupe mythique ne foule de nouveau le sol français. De l’émotion à gogo pour les nostalgiques et du tempo pour les amoureux de la bonne musique (entendez salsa, wawanco, roumba classique, roumba-rock, jazz...).

C’est en les voyant reprendre le morceau "Comité ya bantou" qu’on réalise que ces doyens forment véritablement un comité indissoluble, le rocher sur lequel repose la musique congolaise. Pour ceux qui n’ont pas pu faire le déplacement de Marseille, Les Bantous sont en tournée en France jusqu’au 25 mai 2009. Quelques dates et villes sont prévues à cet effet mais la plus importante sera certainement le concert à « L’Olympia » de Paris le 12 avril prochain. Le plus bel et grand hommage qu’on puisse leur rendre serait que cette salle soit pleine ; à l’image de nos frères de la RDC qui eux, savent soutenir leurs artistes. En attendant la grande fête qui aura lieu à Brazzaville en août prochain, on peut déjà leur souhaiter bonne tournée et bon vent !

Par Lyne de Nice et Simon Mavoula

Nota : Vingt neuf groupes se sont produits sur la scène des « Dock des Suds » ; neuf prix ont été remis pour célébrer ces talents sans frontières, parmi ces distinctions, celles remportées par l’orchestre Les Bantous de la capitale : "Le prix Babel Med Music" et le "prix d’honneur du Président du Conseil Régional Provence-Alpes-Côte d’Azur"

Images de la prestation

Essou admiratif devant le trophée. Au premier plan, le Directeur du Festival. En arrière-plan à gauche, Mpassy Mermans
Clément Ossinondé historien des Bantou reçoit la distinction
Mermans à gauche, Kabako Lambert à droite
Dans la fièvre marseillaise
Remise du trophée aux mains de Clément Ossinondé, à gauche sur la photo
Essou Jean-Serge Spiritus, Mpassy Mermans
Kabako Lambert/chanteur (à gauche) Ricky Siméon/ batteur (à droite)