La République du Congo à été portée sur les fonds baptismaux le 28 Novembre 1958, par délibération N°112-58 érigeant le Territoire du Moyen-Congo en Etat membre de la communauté franco-africaine. A l’aube de la proclamation de son indépendance, le 15 Août 1960, il s’est trouvé en proie à une guerre civile opposant les partisans des deux principales forces politiques de l’époque. :

• la coalition MSA-PPC & apparentés dirigé par Maître Jacques Opangault, Vice Président du premier Conseil de Gouvernement Territorial du Moyen Congo autonome, sous la Loi-Cadre,

• l’alliance UDDIA-RDA/UMC de l’Abbé Fulbert Youlou,

L’investiture en qualité de premier Premier Ministre, Chef du Gouvernement provisoire de la République du Congo, de Fulbert Youlou à la faveur du revirement du député apparenté MSA-PPC Georges Yambot, sera violement contestée dans la rue par les militants et sympathisants de la coalition MSA-PPC & apparentés avec a leur tête Jacques Opangault, Simon-Pierre Kikhounga N’Got et bien d’autres, qui se verront incarcérés pour incitation à la violence et trouble à l’ordre public.

De nombreuses voix s’élevèrent pour réclamer la libération de ces détenues politiques, parmi lesquelles celle de Victor Sathoud alors ministre de la fonction publique, parlementaire et responsable de l’UDDIA-RDA dans la région du Niari. Nous vous livrons à la suite le texte de son plaidoyer en faveur de la libération de son frère et adversaire politique Simon-Pierre Kikhounga N’Got, (extrait des colonnes de l’hebdomadaire « l’homme nouveau/kongo ya sika » N°40 du 6 Novembre 1960.). Le journal titrait alors :

Partisan de l’unité du Congo

Le Ministre Sathoud demande la libération de
M. Kikhounga-N’got son frère du Niari

Le Conseil des Ministres a fait acte de cette interview que M. le Président de la République examinera avec le maximum de bienveillance.

Au cours du Conseil des Ministres qui s’est tenu mercredi en fin de soirée, M. Victor Sathoud a prononcé un discours d’une haute portée politique. Il nous a semblé intéressant de publier intégralement cette intervention qui doit nous permettre de renforcer l’union de tous les Congolais du Nord au Sud et de l’Est à l’Ouest.

Monsieur le Président, mes chers collègues,

Je me suis permis de vous demander, M. le Président l’autorisation d’intervenir dés le début de notre réunion. Cette intervention est, pour le moment, toute personnelle. Elle intéresse la région électorale qui m’a élu et les diverses ethnies que je représente. Elle intéresse le Niari, mais aussi la concorde dans l’ensemble de notre jeune République.

Palais Présidentiel - Réception de Kikhounga à sa sortie de prison. A ses côtés Sathoud et Ibouanga

M. Kikhounga-N’Got, vice-président du MSA, était arrêté et inculpé dans le cadre d’une opération de protection générale de notre jeune Etat, en compagnie d’une vingtaine de dirigeants ou conseillers techniques de l’Union de la Jeunesse Congolaise. La République craignait, à juste titre, je pense, à ce moment-là, des troubles intérieurs qui auraient pu éclater à la fois à Léopoldville et à Brazzaville, et plus généralement sur l’ensemble des deux territoires.

M. Kikhounga-N’Got est non seulement un homme du pays que je représente, mais surtout un frère personnel. Il a été un opposant ferme et obstiné, mais si certaines exhortations ont pu l’entraîner à des imprudences, je ne crois pas qu’il soit un instrument véritable de la subversion. Depuis quelques mois, l’unité nationale du Congo s’est affermie, notamment sur le plan ministériel, donc sur le plan de l’exécutif. Unis, nous sommes plus forts, et je pense quant à moi que certaines mesures de clémence peuvent être envisagées, sans danger pour l’ordre et la sécurité de la Nation.

Nous n’avons pas, certes à nous immiscer dans le judiciaire. La justice est saisie, et reste maîtresse de ses décisions. Pour ma part, je veux considérer devant vous l’intérêt politique du cas Kikhounga-N’Got.

Le Niari est un carrefour de nos ethnies et de nos opinions. C’est un pays qui, par ces richesses naturelles, veut se maintenir dans l’ordre, mais dont l’équilibre est souvent menacé par les manœuvres de certaines gens qui se servent des fils du Niari comme des outils, en les opposant les uns aux autres - au détriment des intérêts bien compris de cette région du Niari - tant il est vrai qu’il faut diviser pour régner.

C’est pour cela que sans préjuger des décisions de la justice, je crois qu’il serait opportun, M. le Président, d’envisager politiquement une mesure de mise en liberté provisoire de M. Kikhounga-N’Got, dans l’intérêt de la paix des cœurs et de l’ordre intérieur. Je pense que les autorités judiciaires, maîtresses en leur domaine, ne s’opposerons pas à cette mesure dans l’état actuel du dossier.

Monsieur le Président, mes chers Collègues, tous les fils du Niari ont pris conscience de la situation que j’ai évoquée plus haut, et sont décidés de faire le sacrifice de leur orgueil d’homme - si légitime qu’il soit - pour oublier le passé et s’unir fraternellement, afin de travailler pour l’émancipation économique et sociale de leur région et de toute la Nation congolaise.

Aussi suis-je persuadé que M. Kikhounga-N’Got conscient de la gravité des enjeux politiques de l’heure est prêt à collaborer loyalement au renforcement et à la pérennité de l’union nationale du Congo. C’est-là le point de vue politique de cette opération. Voila ce que je voulais vous dire, tenant compte, du moins je le crois, à la fois de l’intérêt de ma région, de l’intérêt national et de notre désir commun de mettre tout en œuvre, pour que l’unité la plus large possible règne dans la Nation.

Pour terminer, je profite de cette intervention, Monsieur le Président, pour vous remercier au nom de tous les mandants et en mon personnel, de la mesure que vous avez bien voulu prendre, sur ma demande, en faveur de détenus politiques de Kibangou, qui viennent d’être libérés.

Ainsi que nous avons pu le constater tous, le calme règne dans cette région depuis leur libération. C’est dire, une fois de plus, Monsieur le Président, que votre esprit de charité et de concorde nationales a réussi, et je crois que nous pouvons escompter le même résultat de la mesure que je vous demande en faveur de M. Kikhounga N’Got.

1961 - Maya-Maya - Tchichelle, Youlou, Opangault

Cette requête soumise par le ministre Sathoud avec l’assentiment de la quasi-totalité des membres du gouvernement de la République réunis ce jour, recevra l’avis favorable du Président Fulbert Youlou. Elle donnera bientôt lieu à la promulgation d’une loi d’amnistie en faveur du détenu politique Simon-Pierre Kikhounga N’Got. Il intégrera par la suite le gouvernement d’Union Nationale dans lequel son parti, le Mouvement Socialiste Africain (MSA) était déjà représenté au plus haut niveau par Jacques Opangault assumant les fonctions de Vice-président de la République et Apollinaire Bazinga nommé ministre de l’information, porte parole du gouvernement.

Après sa libération, M. Kikhounga N’Got se rendra dans sa contrée d’origine du Niari, accompagné par les ministres Victor Sathoud et Isaac Ibouanga pour une croisade de réconciliation au cours de laquelle ils seront acclamés et encouragés par la population en liesse, pour leur engagement en faveur de la paix et de l’unité.