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Franklin Boukaka, un artiste du Cinquantenaire des Indépendances

5 septembre 2010

Un artiste de l’Afrique et du cinquantenaire
De ses Indépendances.

Dans un album « Survivance  » avec ses Sanzas et son orchestre congolais.

1 – UNE PASSION POUR LA LIBERTE

Son manifeste le plus engagé : une passion pour la liberté, pour l’amour des hommes, pour
La vie. Avec un sens de la «  Rumba » étonnant, et des échappées dans le verbe, la poésie virgilienne.

Difficile cher Franklin, en ce cinquantenaire des indépendances de l’Afrique, de ne pas avoir une grande pensée pour toi. Toi que les siens ont définitivement enterré et longtemps tenu écarté de l’histoire du Congo et de l’Afrique.

2 – DIFFICILE D’OUBLIER LE SOUVENIR DE SES ACTES (quelques uns avec votre serviteur)

DIFFICILE CHER FRANKLIN :

D’oublier ton courage par la création en 1962 de l’UJC (Union de la jeunesse communiste congolaise), laquelle a intégré en 1964 la fusion de toutes les organisations de jeunesse de l’époque pour donner naissance à la JMNR (jeunesse du mouvement national de la révolution) et dont nous avions été des membres influents de sa Commission Culturelle.

De ne pas se souvenir de ton engagement sans faille dans la lutte pour l’indépendance du Congo et des pays africains, voire tes prises de position pour la défense des luttes de libération à travers le monde. Toi qui croyais que les nécessités de l’Afrique à l’époque, exigeaient de la part de l’artiste et de l’intellectuel un engagement ferme à l’égard des principes fondamentaux, et des aspirations libératrices de l’homme africain, pour que le front de la culture succède au front de la résistance. Ta chanson « Le bucheron » dit mieux.

De ne pas se rappeler du travail énorme, qui nous a valu des nuits blanches pour mettre en place, après plusieurs expériences : la F.N.A.M.CO (Fédération nationale des artistes congolais) en 1963, Les COCO (Emission radiophonique du club des orchestres congolais) en 1964, L’U.M.C. (Union des musiciens congolais) en 1965.

De ne pas se rappeler et de louer ta grande prestation en 1969 au premier Festival culturel panafricain d’Alger. Toi et moi avions pris une part active pour élaborer le programme artistique de la délégation qui comportait Les Bantous de la capitale de Nino MALAPET, et le Ballet moderne de Dominique MBIMI, ton groupe « La Sanza », avec Antoine MOUNDANDA, Dominique OTOMBA, Albert MAMPOUYA, Pierre BADINGA , le groupe vocal « Les Elus » de David MVOUTOUKOULOU, Le théâtre national que dirigeait MBEMBA, avec « la marmite » comme pièce phare, les Balafonnistes de Souanké et (avec comme autres intervenants, , Philippe MOUKOUAMY, Claude BIVOUA, Pierre VICKA, Célestin KAMBA, François ILOY, et Jean de Dieu CRISPIN)

De ne pas se réjouir de ton stage d’animateur culturel à l’UNESCO à Paris en 1971 et qui s’est soldé par une reconnaissance personnelle du directeur général qui a loué tes efforts et ton abnégation.

De ne pas revoir en mémoire l’organisation avec toi du premier séjour de l’orchestre cubain ARAGON à Pointe-Noire en 1971. Nous nous sommes déplacés avec le groupe à Diosso pour lui montrer le lieu précis où s’effectuait l’embarquement des esclaves congolais vers les Caraïbes. Je me rappelle encore de ce violoniste qui nous a révélé son origine congolaise, selon ce que lui a été transmis par ses arrières grands parents, et qui très ému s’est mis à verser les larmes, avant d’emballer une motte de terre de Diosso pour ramener à ses parents à Cuba. La présence d’ARAGON au Congo, on le sait a coïncidé avec la sortie de ton album « Le Bucheron » accompagné par Manu DIBANGO. Cet album a crée un vif émoi chez les musiciens d’ARAGON qui ont apprécié le contenu au point d’interpréter plus tard le titre « Antoinette MWANGA » suivis de plusieurs autres orchestres latino-américains. Je sais aussi que le CNC (Conseil national de la culture) de Cuba, dirigé par Luis PAVON s’apprêtait à t’inviter à la Havane au mois de Février 1972.

1971, en effet, et pour citer Mfumu Fyla Saint Eudes (Manu DIBANGO est contacté par une maison parisienne d’édition Ngoma devenue Sonodisc suite à sa reprise par Mr DAVID et Marcel PERSE pour l’arrangement des œuvres de Franklin BOUKAKA. Pendant un mois, au domicile de Manu DIBANGO, Joinville-le-Pont, Franklin répète. Il enregistre « Le bûcheron », « Louzolo », « Bibi » etc.. « Mouanga », titre sublime est repris par Aragon, Broadway, El Gran Combo, Typica Novel et Tutti Quanti. Henri LOPES a coécrit sur cet album l’œuvre intitulée « Ata ozali ». L’album de Franklin BOUKAKA marque l’entrée de Sonodisc dans le monde de l’édition. « Le disque Le bûcheron reste l’un des grands souvenirs de ma vie  » nous a dit Manu DIBANGO)

De ne pas remémorer tes grandes victoires, au sommet de ta gloire, à travers le monde : Moscou, Berlin, Belgrade, Pékin, Paris, Madrid, Oulan-Bator (Mongolie), Pyongyang, etc., autant de villes où ta prestation de grande ampleur a été très appréciée.

De ne pas révéler ton admiration pour le ténor Gérard MADIATA pour lequel tu as interprété
quelques chansons.

De ne pas souligner la générosité d’Antoinette MWANGA la grande dame de ta vie, celle-là même que tu as immortalisé par la chanson « Antoinette Mwanga  » reprise par l’orchestre
ARAGON et plusieurs orchestres caribéens.

De ne pas être fier de BOUBAKA Malcom ton unique fils aujourd’hui adulte, et a qui tu as donné le prénom Malcom pour ton soutien à cet afro-américain qui s’est battu pour l’abolition de la ségrégation raciale aux Etats-Unis d’Amérique.

De ne pas saluer ici le dévouement de l’association « Les amis de Franklin BOUKAKA  » qu’anime Joseph AKONDZO pour porter toujours haut ta mémoire. D’ailleurs, cette association s’apprête à célébrer le 10 octobre 2010 le 70ème anniversaire de ta naissance et éventuellement en février 2011 le 39ème anniversaire de ta mort en 1972. Ces dates donneront lieu à Brazzaville à des grandes manifestations festives.

Enfin, de regretter que tu ne sois pas venu avec moi, - comme rien ne te l’empêchait - et Les Bantous de la capitale à la 8ème coupe d’Afrique des nations qui s’est déroulée à Douala (Cameroun) et que le Congo a remporté. Dommage, je crois savoir que tu étais hésitant, entre la possibilité d’être avec nous à Douala, et l’attente d’une invitation probable du CNC (conseil national de la culture) de Cuba. C’est finalement la mort qui t’es arrivé, certainement, dans la nuit du 23 au 24 Février 1972 (la date exacte n’est pas connue), un décès abominable de notre ami et frère Franklin BOUKAKA. Difficile de faire en un article le tour d’horizon de l’histoire et l’œuvre de Franklin BOUKAKA.

3 – Le concours inestimable du producteur Cyriaque BASSOKA

Toutefois, l’on peut s’estimer heureux du concours absolument solidaire du producteur Cyriaque BASSOKA dont la sensibilité à fleur de peau l’a toujours tenu des réalisations des artistes congolais. Au point de recourir chez un certain nombre de compatriotes pour réunir les sept titres de Franklin BOUKAKA réalisés dans les années 60 avec Les Sanzas et son orchestre congolais.

4 – L’ENGAGEMENT MILITANT DE Franklin BOUKAKA

Franklin BOUKAKA, nous ne cesserons de le dire était un artiste libre, quelqu’un qui a compté et qui comptera énormément pour l’Afrique. Il a longtemps affirmé son africanité pour ensuite engager la lutte pour le rôle de la culture africaine dans la lutte de libération et de l’unité africaine à travers la chanson. Il convient de reconnaître en Franklin BOUKAKA sa passion pour le phénomène culturel qui se manifeste à travers la musique pour atteindre une dimension de masse à tous les recoins de l’Afrique. Il était convaincu que peu d’activités de la vie sociale pouvaient exercer autant d’influence et susciter autant d’intérêt que la musique.

Artiste engagé, Franklin BOUKAKA a surtout gardé une conscience aiguë des problèmes de son pays, de l’Afrique, et du monde. Il a mis dans toutes ses interprétations, une intelligence et une sensibilité qui l’on fait comparer aux grands noms africains qui avant lui avaient situé le nouvel acte culturel qui devait se situer au centre du nouveau combat pour l’authenticité et le développement des valeurs africaines.

5 – QUI ETAIT FRANKLIN BOUKAKA ?

Fils d’un ancien musicien Aubin BOUKAKA de l’ensemble musical « La Gaieté » et d’une mère chanteuse-animatrice des veillées mortuaires et des fêtes de réjouissances populaires, Yvonne NTSATOUABAKA, François BOUKAKA alias Franklin est né le 10 octobre 1940. Ainé de huit enfants dont 3 garçons et 5 filles, il a fréquenté l’école laïque de Bacongo (actuelle Joseph
NKEOUA) Il rate l’école militaire général Leclerc et se retrouve aussitôt après au petit séminaire de Mbamou qu’il suspend à mi-chemin avant d’atterrir à Ngoma –Tsétsé puis terminer ses études à Brazzaville.

La carrière musicale de Franklin commence en 1955 lorsqu’ il fait ses premiers pas dans le groupe « SEXY JAZZ » fondé par Miguel SAMBA, Siscala MOUANGA et Aubert NGANGA. En 1957, alors que Miguel SAMBA et Siscala MOUANGA intègrent l’orchestre Cercul Jazz, Franklin, lui choisit le groupe « Sympathic Jazz  » et participe à la tournée que fait cet ensemble au Cabinda et à Léopoldville. Mais, il n’y reste pas longtemps, car à Léopoldville, Franklin BOUKAKA, Michel BOYIBANDA et Jean MOKUNA « Baguin » qui disposait d’un petit équipement musical, forment l’orchestre NEGRO BAND. Franklin BOUKAKA n’y passe que quelques mois, avant de se joindre au clarinettiste EDO CLARY LUTULA, Jeannot BOBENGA, TABU LEY, MUTSHIPULE « Casino », André KAMBITE « Damoiseau », Papa BOUANGA, Charles KIBONGUE, et autres au sein de l’orchestre JAZZ AFRICAIN qui a le mérite d’exploiter merveilleusement les toutes premières et belles compositions de TABU LEY : « Mwana mawa », « Catalina cha cha et « Marie José »

1959, LE JAZZ AFRICAN est en déroute et perd tous ses musiciens, c’est la dislocation. Jeannot BOBENGA, Franklin BOUKAKA et l’ensemble des musiciens de l’ancien Jazz Africain, à l’exception de TABU LEY créent le VOX AFRICA. Franklin BOUKAKA et Jeannot BOBENGA vocalisent sur des thèmes qui manquent souvent au firmament de la Rumba. 1959 ne s’achèvera pas, quand Franklin BOUKAKA va devoir dire adieu à Kinshasa pour intégrer le Cercul Jazz. Une légende. Et qui à la vie dure. Plusieurs années après l’effritement de ce qui fut l’un des plus beaux de la Rumba ; Franklin BOUKAKA opte pour un groupe simplifié, le groupe « Les SANZAS » avec l’accompagnement de trois sansistes avec lesquels il exploite son talent et sert à ses admirateurs, les mélodies de la rumba, du cha cha cha, Boucher, Jazz, Zebola et Boléro. C’est le début d’une carrière internationale à travers le monde et une production phonographique qui expose la nouvelle direction choisie par le groupe : celle d’une variété des rythmes, alimentée par le bon gros « boucher  » qui rend cette musique dansable.

Le plus grand succès phonographique de Franklin BOUKAKA, demeure sans conteste « Le Bucheron » réalisé avec Manu DIBANGO. Franklin qui ne s’éloigne pas de ses convictions à la révolution prolétarienne, chante dans cet album : « les immortels  » qui retrace la mémoire des héros révolutionnaires à travers le monde, Dans « Le Bucheron  », il peint la douleur du bas peuple. Puis dans « Nakoki  », il s’émeut devant les nouvelles réalisations économiques du Congo après l’indépendance. Ils fustigent la gabegie des politiques et des mauvais citoyens, Autant de maux qui fait de BOUKAKA un véritable combattant au front de la résistance.

6 – LA DISPARITION DE FRANKLIN BOUKAKA

Il y a lieu de supposer que l’engagement révolutionnaire de Franklin BOUKAKA a été certainement au centre des sévices qui ont entrainé sa mort dans la nuit du 23 au 24 Février 1972. Ses chansons dérangeaient.

Que soit réveillé à jamais la mémoire de Franklin BOUKAKA, Le nouvel album « survivance  » dans les bacs actuellement et aux Editions Cyriaque BASSOKA www.bassoka.fr (Tel.0680523166) mérite d’être acheté par tous les amoureux de la chanson et tous ceux qui croient à la libération de l’Afrique.

Clément OSSINONDE

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