Le 16 janvier 1961 disparaissait Jean Félix-Tchicaya, premier parlementaire du Moyen-Congo et du Gabon à l’Assemblée Nationale Constituante Française (1945 - 1959).
A l’occasion de la commémoration du 45e anniversaire de cet événement. Congopage reprend dans cet article des éléments produits lors d’un colloque organisé à Pointe-Noire le 15 janvier 2000.
L’histoire des hommes comme celle des peuples et des nations est souvent marquée par des grands événements qui déterminent leur avenir. Au regard de la situation que vit actuellement le continent Africain en général et plus particulièrement le Congo-Brazzaville, il se dégage une perte considérable de repères historiques et de valeurs morales traditionnelles. Une analyse rétrospective des faits marquants et du rôle déterminant joué par les grands hommes qui ont contribué à l’évolution sociale, culturelle, économique et politique du Congo s’avère nécessaire pour mieux orienter l’avenir de notre pays.
A l’occasion de la commémoration du 45ème anniversaire de la mort du député Jean Félix-Tchicaya nous avons jugé utile et nécessaire de publier sur Congopage une vue partielle de nos recherches historiques portant sur la rétrospective de l’évolution politique du Congo-Brazzaville de la 2e guerre mondiale à la révolution (1939-1963). Nous avons été inspirés par les archives de Victor-Justin Sathoud qui fut à un moment donné de son parcours politique un compagnon du tout premier parlementaire du Moyen-Congo et du Gabon à l’Assemblée Nationale Constituante Française, l’honorable député Jean Félix-Tchicaya qui fut successivement :
– Le premier parlementaire du Moyen-Congo et du Gabon à l’Assemblée Nationale Constituante Française
– Le fondateur de la première formation politique de l’histoire du Congo, à savoir : le Parti Progressiste Congolais (en sigle : PPC) et de la première association culturelle du Moyen-Congo dénommée « l’Harmonie de Pointe-Noire »
– Le vice-président et membre fondateur du Rassemblement Démocratique Africain (RDA)
– Grand conseiller de l’Afrique Equatoriale Française (AEF) et conseiller territorial du Moyen-Congo
– Et père de Gérald Félix-Tchicaya dit « Tchicaya U’Tamsi », l’une des grandes figures littéraires africaines.
Historique
Le général Charles de Gaulle lançait depuis son exil de Londres le vibrant et historique « Appel du 18 Juin 1940 » à la résistance contre l’occupant nazi. A la suite de celui-ci, de nombreux jeunes Africains soumis au joug colonial français seront mobilisés de gré ou de force dans le bataillon dit des Tirailleurs Sénégalais des troupes françaises libres pour combattre les troupes hitlériennes et libérer la mère patrie asservie.
Parmi eux, se trouvait Jean Félix-Tchicaya, Congolais alors âgé de 37 ans, fils de Félix-Tchicaya et de Antoinette Portella. Né le 29 Novembre 1903 à Libreville, il perdit très jeune ses parents. Il fut alors recueilli à Loango par son grand père maternel, Louis Portella, alors grand commerçant et notable.
Après ses études primaires à la mission catholique et à l’école officielle de la localité, le jeune Jean Félix-Tchicaya obtint une bourse pour l’Ecole Urbaine de Libreville. Brillant élève, il sortira major de sa promotion en 1918 et sera admis à l’Ecole Normale William Ponty de Gorée, d’où il sortira instituteur.
Il fera ensuite carrière dans l’administration comme commis des finances, affecté au magasin de ravitaillement de la main d’œuvre du chemin de fer Brazzaville/Pointe-Noire reliant le fleuve Congo à l’Océan Atlantique sur 512 Km, jusqu’à la fin des travaux de construction du CFCO (Chemin de Fer Congo-Océan). Ce chantier épique et honteux qui permettra à André Gide, dans son ouvrage paru en 1927 « Voyage au Congo » et à l’illustre journaliste Albert Londres dans son livre « Terre d’ébène » (1929) de dévoiler à l’opinion métropolitaine les horreurs du travail forcé dans les « colonies »
Les revendications anticoloniales prennent une ampleur croissante tant dans les milieux humanistes métropolitains que dans les cercles restreints des notables évolués africains dits « indigènes » aspirant eux aussi à un espace de liberté, d’égalité et de fraternité.
Pendant que la guerre s’enlise sur le champ de bataille, ou blancs et noirs se côtoient et tombent ensemble sous les balles de l’ennemi, le Général Charles de Gaulle, Président de la France Libre déclenche le 30 Janvier 1944, le processus destiné à conduire progressivement les Territoires d’Afrique Noire Francophone vers leur émancipation, au cours de l’historique Conférence de Brazzaville, qui réunira autour du Ministre des Colonies René Pleven, exclusivement les administrateurs coloniaux, les commissaires des colonies de l’AEF et de l’AOF, les gouverneurs des Territoires affiliés à ces Fédérations et ceux des territoires dépendants, sans aucune participation « indigène ».
Il est ainsi décidé d’accorder aux populations des colonies françaises d’Afrique, la possibilité d’élire des représentants à l’Assemblée Nationale et au Sénat Français à compter de 1945, dès la fin de la guerre. Sur la base d’un double collège électoral dont le premier est réservé aux privilégiés « citoyens de statut civil commun », autrement dit les Européens et le second collège électoral destiné à la catégorie sociale des « notables évolués » noirs dit « Indigènes », constitué de fonctionnaires et employés de commerce, des anciens combattants et titulaires de décoration, des diplômés, des chefs de cantons, des représentants des collectivités indigènes et des Ministres des Cultes.
Il convient de souligner que le droit de vote qui était d’abord limité à tous ceux qui savaient lire et écrire s’étendra à partir de 1951 à toute personne possédant un titre d’identité officiel.
Dans le Territoire du Moyen-Congo, qui avait alors pour capitale Pointe-Noire, deux principales formations politiques entreront en compétition électorale pour les premières élections législatives d’après guerre :
– Le PPC (Parti Progressiste Congolais) fondé par Jean Félix-TCHICAYA, rattaché au RDA (Rassemblement Démocratique Africain) et proche du Parti Communiste Français.
– Le MSA (Mouvement Socialiste Africain) affilié à la SFIO (Section française de l’Internationale Ouvrière) dirigé par Jacques OPANGAULT ;
Le PPC emporte tous les scrutins jusqu’en 1957.
Jean Félix-TCHICAYA, ancien soldat des troupes françaises libres, affecté au Ministère de la Guerre à Paris à la Libération est le candidat de l’élite indigène et des masses rurales. Son cheval de bataille est la réforme foncière et la lutte contre les spoliations dont les colons héritiers de Compagnies Concessionnaires d’avant 1930 se rendent coupables au Moyen-Congo et au Gabon. En
octobre 1945 il est élu, au premier tour, député du 2e collège de la circonscription électorale unique du Moyen-Congo/Gabon à l’Assemblée Nationale Constituante Française. Il y retrouve Lamine Gueye (Député du Sénégal) qui fut son professeur de mathématiques à l’Ecole Normale William Ponty et certains de ses condisciples tels que Félix Houphouet-Boigny, Mamadou Konaté ou Mamba Sano respectivement élus députés des Territoires de Côte-d’Ivoire/Haute-Volta, du Soudan (actuel Mali) et de Guinée-Conakry avec lesquels il crée le Rassemblement Démocratique Africain (RDA). Il est réélu en Juin 1946 dans la deuxième Assemblée Constituante.
Progressivement, la représentation parlementaire du Congo en France s’élargit avec l’élection au Sénat Français de : Aubert Lounda, Emmanuel Dadet, Jean Malonga, Marcel Ibalico et Pierre Goura et autres, etc.
Le PPC
Le PPC est une émanation du RDA (Rassemblement Démocratique Africain). Dans chaque territoire colonial français, le RDA possède son implantation : PPC (Parti Progressiste Congolais) au Moyen-Congo, BDG (Bloc Démocratique Gabonais) de Léon Mba au Gabon, PPT (Parti Progressiste tchadien) de Gabriel Lisette puis Ngartha Tombalbaye au Tchad.
Victor-Justin Sathoud nous a laissé sa version de l’histoire du PPC :
« J’ai commencé à militer dans ce parti depuis ma sortie de l’école, dans les années 46-47-48, jusqu’à être élu en 1952 comme Conseiller Territorial.
Dans le Niari, nous étions cinq (5) sur notre liste, le chef de file était GOURA Pierre, il avait Kikhounga Ngot, Nzongou Auguste, Ango Raymond et moi-même.
Contre notre liste, il y avait cinq (5) autres listes opposées, qui étaient d’autres tendances, de la SFIO, du RPF et même des candidats indépendants. Mais, en 1952, c’est notre liste qui avait remporté la victoire dans le Niari.
Ensuite, en 1955, le RDA qui était affilié au Parti Communiste Français s’était désapparenté pour adhérer à l’UDSR, qu’animait à l’époque François Mitterand et René Pleven. Pour cela, consigne était donnée à toutes les Sections Locales de suivre cette nouvelle orientation qu’ils avaient appelée à l’époque « repli tactique ». Parce que toutes les Sections du RDA subissaient des répressions de la part de l’administration coloniale qui était dirigée par les socialistes.
C’est pourquoi, au Moyen-Congo, la majorité des agents de l’Etat n’étaient pas pour le PPC, il y en avait qui étaient au RPF ou à la SFIO, pour préserver leurs avantages et éviter les brimades dont étaient victimes les membres du PPC taxés de communistes.
A juste titre d’ailleurs, parce que à la fondation du PPC, nous avions ce qu’on appelait les Groupes d’Etudes Communistes (GEC) qui nous formaient idéologiquement. Mais, après le désapparentement du Parti Communiste de la part du RDA, tout avait changé.
Jusque-là le tuteur du RDA à titre honorifique, au niveau local du Moyen-Congo, était le Député Jean Félix-Tchicaya. Parce que il faut bien le reconnaître, dans le cadre du Moyen-Congo nous avions à l’époque un Secrétaire Général d’origine Dahoméenne (aujourd’hui on dit Béninoise), qui était Greffier au Tribunal de Brazzaville, il s’appelait Yves Marcos.
Dans chaque région, il y avait un responsable élu démocratiquement par les assemblées générales. Au Kouilou c’était notre vétéran, le Doyen Stéphane Tchitchelle, au Niari c’était d’abord Goura Pierre et à partir de 1955, j’avais pris la relève, suite à une élection démocratique en assemblée générale, lorsqu’il était élu Sénateur en France.
C’est donc à partir du départ de Goura que j’étais élu. J’avais dans le Bureau Régional des camarades comme les Zala Emile, les Poaty Joseph aujourd’hui en service à la Mairie de Pointe-Noire, les Souami Gabriel aujourd’hui retraité. Enfin nous étions nombreux dans le bureau, chaque Secrétaire Régional s’occupait d’une Section : l’organisation, la propagande, etc.
En 1955, le PPC a commencé à connaître des remous, des défections, une crise interne. Il y a eu des problèmes de personnes, des exclusions qui ont fini par être fatales pour le Parti étaient prononcées à l’encontre de certains membres éminents, ceux-là mêmes qui ont fait l’histoire du Parti.
Je citerais par exemple le cas illustre du vieux Tchitchelle. Il à quand même été le symbole de la lutte du PPC dans la région du Kouilou et son départ avait, je vous l’avoue, énormément affaibli le Parti. La preuve est qu’il remportera aisément les élections municipales de 1955 et de 1957 à Pointe-Noire, sous le label UDDIA.
En 1957, au renouvellement de l’Assemblée Nationale Française, l’Abbé Fulbert Youlou était candidat aux élections, le Vieux Opangault également et il y avait une prolifération de candidatures même au sein du PPC, comme celle de Kikhounga Ngot.
Le Député Jean Félix-Tchicaya était tout de même réélu avec quelques difficultés. Mais comme on venait de perdre les élections Municipales aussi bien à Brazzaville, Pointe-Noire, qu’à Dolisie. La répercussion à été directement perceptible à l’Assemblée Territoriale, le PPC avait ainsi perdu ses plus grands fiefs électoraux, à, savoir : le Kouilou, les Pays du Niari et le Pool. Nous avons accepté cette défaite sportivement. Cependant, l’Abbé Fulbert Youlou qui venait de créer l’UDDIA avec le Doyen Tchitchelle avait demandé son adhésion au RDA. Parce qu’il voulait maintenant avoir une audience au-delà du Moyen-Congo.
Quand il avait demandé son adhésion au RDA, je me trouvais à Yamoussoukro, parmi les Délégués du Moyen-Congo à la Réunion du Comité de Coordination du RDA élargie aux Sections Locales. Il y avait entre autres : le Député Jean Félix-Tchicaya, Azoumey, le remplaçant de Yves Marcos au poste de Secrétaire Général de la Section locale RDA Moyen-Congo et moi comme délégué du Moyen-Congo, enfin nous étions nombreux.
Au cours de cette réunion, nous avons fait l’analyse globale de la situation politique dans tous les territoires. Le RDA avait remporté la victoire presque un peu partout en AOF, notamment en Guinée Conakry, en Côte-d’Ivoire, au Mali, au Niger. Sauf en Mauritanie et au Sénégal. Au Dahomey, à l’époque, une fusion avait été opérée entre les élus RDA et les élus d’un autre parti local.
En AEF, le RDA avait remporté au Gabon et au Tchad. Mais, en Oubangui-Chari et au Moyen-Congo, on avait perdu. Après analyse de toute cette situation, on est arrivé au point relatif à la demande d’adhésion formulée par l’Abbé Fulbert YOULOU au nom de l’UDDIA.
Evidement le débat était houleux, même passionné. Le député Jean Félix-TCHICAYA avait exigé que l’adhésion ou l’acceptation de la candidature de l’UDDIA au RDA soit subordonnée au retrait des anciens du PPC, qui avaient déjà adhéré là-bas.
Alors, comme on ne pouvait pas l’accepter, il avait dit : « ...Si cette condition n’est pas remplie, je partirai... ». Je me rappelle encore, comme si c’était hier, l’altercation vive entre le député Félix-Tchicaya et Sékou Toure, qui estimait, à ce sujet, que cette exigence était sans fondement et trop subjective de la part du député Tchicaya, qui n’était pas irremplaçable.
En fin de compte, après plusieurs séances de discussions, l’adhésion de l’UDDIA à été acceptée au sein du RDA et la consigne a été donnée à toutes les Sous-Sections de la Section Territoriale du Moyen-Congo de fusionner avec l’UDDIA.
Ne pouvant pas aller à l’encontre de cette directive du Bureau du Comité de Coordination de notre Parti, voilà donc les circonstances réelles dans lesquelles nous nous sommes retrouvé avec l’Abbé Fulbert YOULOU à l’UDDIA, surtout que j’étais personnellement délégué à cette réunion qui consacrera dans son communiqué final l’acceptation de l’UDDIA, comme membre à part entière du RDA. »
Jean Félix-Tchicaya et la polémique autour de la cession de Franceville au Gabon.
Selon une version très largement répandue dans l’opinion publique, Jean Félix-Tchicaya aurait été l’artisan de la cession par le Congo de Franceville et sa région à ce qui allait devenir l’Etat gabonais. Voici la version de Victor-Justin Sathoud :
« La version largement répandue dans l’opinion selon laquelle le député Jean-Félix Tchicaya aurait vendu Franceville au Gabon m’étonne, mais ne me gêne pas, dans la mesure où nous avons toujours tendance à accorder beaucoup trop d’importance à nos députés d’antan, alors qu’ils ne faisaient que voter des lois. Et encore qu’ils étaient relativement minoritaires au Palais Bourbon.
En réalité, le rattachement de Franceville au Gabon a été fait par décret. Actuellement, nous sommes un pays souverain, nous avons un gouvernement, nous avons une assemblée et d’autres institutions. Est-ce que les décrets passent par l’assemblée ? Puisque nous avons copié presque le méme fonctionnement.
La vérité est que le Ministre de la France d’Outre-Mer, donc celui en charge des Colonies, à l’époque c’était Marius Mauthey qui avait pris un décret rattachant Franceville au Gabon. Pourquoi ?
Tchicaya était député du premier collège, parce que les blancs avaient leurs députés et les noirs les leurs. En ce temps-là, le député blanc du Gabon s’appelait Barnier. Il était un grand exploitant forestier et les gens de Franceville, de Divenié, comme ceux de chez nous à Kibangou. En somme, les gens de la forêt ont la réputation d’être des bons travailleurs en matière de bois et d’agriculture. A l’époque, il n’y avait pas de tracteurs, il fallait abattre les arbres à bras d’hommes.
Le député Barnier avait donc demandé au Ministre de Colonies, qui sait s’il était peut être actionnaire dans sa société, de rattacher purement et simplement Franceville au département du Haut-Ogooué et au Gabon, pour qu’il puisse facilement disposer de main-d’œuvre.
Mais, au sein du PPC, lorsqu’on donnait cette version des faits, pourtant vraie, les gens disaient non, nous étions corrompus par Tchicaya, nous étions des vendus.
Enfin, c’était de bonne guerre, ils le faisaient pour défendre leur leader. Mais aujourd’hui encore, je répète haut et fort, que ce n’est pas du tout Tchicaya qui était à l’origine du détachement de Franceville du Moyen-Congo vers le Gabon.
De toutes les façons, le gouvernement français disposait de nos pays comme il l’entendait. Il n’y a qu’à voir nos frontières actuelles qui sont fictives. Quand on va du coté de Franceville avec l’actuelle République Populaire du Congo, qu’y a-t-il comme frontière ? Il n’y en a pas. Quand vous venez du coté de Mbinda, quelles frontières y a-t-il ? Rien. Du Coté de Banda mon petit village, avec Mayumba et Tchibanga, il n’y a aucune frontière. Ce sont pratiquement les mêmes populations. Arbitrairement on disait “la limite c’est ici”, à telle enseigne que pendant longtemps les paysans ignoraient à quel pays ils appartenaient.
C’est donc un faux problème créé pour griller Tchicaya. Puisqu’il le fallait absolument pour passer, surtout qu’en politique, on en fait feu de tout bois.
Même si le député Tchicaya pouvait faire une intervention à l’Assemblée, le décret étant déjà signé, promulgué et publié, de quelle force disposait-il pour l’annuler ? »
Cette déclaration de Victor-Justin Sathoud nous éclaire sur l’importance toute relative qu’avaient les parlementaires indigènes au sein de la constituante. La France accepte la présence de ceux-ci mais de fait ne leur laisse aucun pouvoir. Marché de dupes directement issu de l’organisation coloniale. Sans doute pourrait-on reprocher à ces parlementaires d’accepter ces postes de fantoches uniquement pour les honneurs qu’ils représentent. Il eut sans doute été préférable aux yeux de certains que les élus africains boycottent les débats pour protester contre la vacuité de leur présence. Ce serait oublier que leur élection même vaine était déjà une victoire, ils enfonçaient la porte des institutions françaises et ouvraient la voie vers la reconnaissance des identités politiques qui allaient former les Etats indépendants que nous connaissons aujourd’hui.
Quelques repères biographiques
1934-1935 : Jean Félix-Tchicaya est défini comme un autodidacte "évolué" qui vit à l’occidentale ; prince de Loango, il est d’abord employé comme écrivain dans l’administration coloniale avant de devenir instituteur.
Il serait marié à l’Eglise avec Cécile, une "évoluée" éduquée chez les sœurs du Saint-Esprit.
1939 : Jean Félix-Tchicaya en tant que sous-officier rejoint les Forces Françaises Libres, auparavant il a fondé le Cercle Africain des Indigènes de Pointe-Noire.
30 Janvier 1944 : Conférence de Brazzaville.
21 Novembre 1945 : Jean Félix-Tchicaya, Commis des Finances, est élu député à l’Assemblée Nationale Française, où il représentera le Moyen-Congo et le Gabon.
16 Octobre 1946 : Publication d’un décret portant réorganisation administrative de l’AEF et tous les actes modificatifs subséquents. La ville de Franceville cédée au Congo en 1925 est de nouveau rattachée au Gabon par décret signé du Chef de gouvernement provisoire de la République Française.
25 Octobre 1946 : Publication du décret portant création Assemblée Représentative Territoriale en Afrique Equatoriale Française.
Dès lors, le Congo connaît une intense activité politique visant l’obtention des indépendances.
C’est en 1946 que Jean Félix-Tchicaya fonde le Parti Progressiste Congolais, qui aura son siège à Pointe-Noire.
Le 29 Août 1947 : Premières élections à l’Assemblée Territoriale du Moyen-Congo. Deux partis se présentent, le PPC de Jean Félix-Tchicaya et le MSA de Jacques Opangault. Le PPC l’emporte sur le MSA, courte victoire, soit 10 députés pour le PPC et 8 pour le MSA.
1951 : Se déroulent de nouvelles élections, un troisième parti émerge, le Rassemblement du Peuple Français (RPF), le PPC de Jean Félix-Tchicaya est une fois de plus majoritaire.
1952 : Félix-Tchicaya, Fondateur du PPC devient Conseiller Représentatif du Moyen-Congo et Grand Conseiller de l’AEF, fonction qu’il assumera jusqu’en 1956.
23 Juin 1956 : Promulgation de la loi cadre Gaston Deferre autorisant le gouvernement français à mettre en œuvre les réformes et à prendre des mesures propres à assurer l’évolution des territoires relevant du Ministère de la France d’Outre-Mer reconnaissant une autonomie partielle aux Etats Africains et à Madagascar.
1958 : Le Général de Gaulle prononce son discours au stade Félix Eboué de Brazzaville, dans lequel il propose aux Etats Africains sous domination française de former avec la France une communauté Franco-Africaine.
28 Septembre 1958 : le Congo se prononce pour la communauté Franco-Africaine lors du référendum organisé par le gouvernement français.
15 Août 1960 : Proclamation à Brazzaville de l’indépendance de la République du Congo.
11 Janvier 1961 : Publication du nouveau gouvernement par le Président Fulbert Youlou.
16 janvier 1961 : Disparition de Jean Félix-Tchicaya à l’hôpital Adolphe Cissé de Pointe-Noire.
17 Janvier 1961 : Journée de deuil national à l’occasion des obsèques officiels du député Jean Félix-Tchicaya, en présence du Président de la République du Congo l’Abbé Fulbert YOULOU accompagné de Jean Rossard, haut représentant de la France au Congo, Jacques Opangault, vice-président de la République du Congo, Alphonse Massamba-Debat, Président de l’Assemblée Nationale du Congo et des messieurs : Stéphane Tchitchelle, Apollinaire Bazinga, Pierre Goura, Simon Pierre Kikhounga-Ngot, Germain Bicoumat, Faustin Okomba, Raymond Mahouata, Oscar Samba, Prosper Gandzion et Victor-Justin Sathoud, tous membres du premier gouvernement d’union nationale institué à la faveur de la réconciliation des protagonistes de la guerre civile de 1959.
Après la veillée de prière et la célébration d’une messe de requiem en la cathédrale Notre-Dame de Pointe-Noire, la dépouille de l’illustre disparu sera inhumée au cimetière de Loango actuellement menacé d’érosion marine.
De nos jours, dans la ville de Pointe-Noire, plusieurs édifices portent le nom de Jean Félix-Tchicaya, parmi lesquels : l’école primaire et le collège, à l’époque Palais de Justice, représenté sur la photo d’archive ci-dessus datant des années 30, l’avenue reliant la base aérienne à la base industrielle Total et le carrefour de Loandjili où trône une stèle en sa mémoire érigée sous les auspices du Président Denis Sassou-Nguesso.
L’auteur, Wilfrid Sathoud, est né en 1972 à Pointe-Noire, il est le fils du défunt Victor-Justin Sathoud, ce qui lui ouvre les archives de son illustre père sur la base desquelles il avait initié en janvier 2000 un colloque sur Jean Félix-Tchicaya. Il promet de publier en collaboration avec Congopage d’autres articles sur l’histoire du Congo.